samedi 31 mars 2007

Livre: Sous un autre jour

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Autour de Jens Christian GRØNDAHL
Sous un autre jour


de Jens Christian Grondahl.

Traduit du danois par Alain Gnaedig,

Gallimard, 374 p., 21 €.

Dans un essai intitulé « Night Mail », « Courrier de nuit », publié vers la fin des années quatre-vingt-dix, Jens Christian Grøndahl revient à ce qu’on s’habituait déjà à l’époque à appeler l’ex-Yougoslavie. « Nous parlons », dit-il, « de la Yougoslavie comme on parle de quelqu’un avec qui l’on était autrefois marié ». Autrement dit, l’histoire n’est pas finie, mais elle ne nous accompagne plus vraiment.

Selon Grøndahl, nous considérons donc l’histoire - et particulièrement l’histoire contemporaine, peut-être - à travers les mots que nous utilisons pour parler de notre vie individuelle. Dans les deux cas, il est vrai, les ruptures sont assez courantes, parfois de manière catastrophique.

Aujourd’hui, on peut se demander où se trouve le lien entre l’une et l’autre, entre l’histoire contemporaine et l’individu qui s’efforce de se frayer un chemin propre. Et ce lien ne se trouve nulle part, au moins à ce qu’il paraît. Là, il semble y avoir encore une rupture : nous sommes de plus en plus privatisés.

Chez Grøndahl - et surtout dans ses romans les plus récents, à partir de Sous un autre jour, publié au Danemark en 2002 - il est question de cette rupture. Dans un monde contemporain où la considération historique, sociale et morale fait défaut - c’est-à-dire, également, ce monde des particularismes communautaires aigus où la mention du lien et de l’universel est souvent reçue comme un anachronisme embarrassant, voire comme un anathème -, il importe pour l’auteur de réfléchir le temps de l’individu comme un double génitif éminemment fragile, toujours contesté, compte tenu de la difficulté de posséder quelque chose qu’on est. Nous sommes, chacun, notre temps propre et, avec un peu de chance et beaucoup de patience, nous pourrons peut-être même en faire une histoire, la nôtre. Mais ce temps ne nous revient qu’à travers le temps de l’autre, le temps des autres, bref, ce moment partagé qu’est toujours le présent, et ainsi nous sommes à chaque instant touchés et saisis - qu’on le sache, qu’on le veuille ou non — par des histoires qui nous dépassent. Et, parfois, il s’avère même que l’histoire propre a son origine dans quelque chose qui n’a jamais été raconté.

Dans la vie d’Irene Beckman, - le personnage principal dans Sous un autre jour -, cela se fait sentir de façon abrupte. En effet, à l’âge de cinquante-six ans, son futur derrière elle, Irene Beckmann découvre non seulement que son mari va mettre un point final à leur vie commune et partir vivre avec une autre femme ; elle apprend aussi que l’homme qui dans le temps fit subir à sa mère le même destin n’est pas son père biologique. Ainsi confrontée au secret qui se trouve au fond de sa propre histoire, elle part à la recherche de Samuel son véritable père, musicien juif qui au début de la Seconde Guerre mondiale dut poursuivre son existence d’exil. Face à cette histoire inconnue, Irene Beckmann revisite les lieux de sa propre mémoire.


Christian Bank Pedersen, Maître de langue
Christian-Bank.Pedersen@univ-lyon2.fr


Bibliographie :
Été indien, Éd. Le Serpent à plumes, 1996.
Silence en octobre, Éd. Gallimard, 1999.
Bruits du cæur, Éd. Gallimard, 2002 / Folio, 2004.
Virginia, Éd. Gallimard, 2004.
Sous un autre jour, Éd. Gallimard, 2005.

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